
Un rêve s’est réalisé… Avec mes coéquipiers, enfin plutôt, mes amis patrouilleurs, Sylvain et Franck, nous avons vécu une aventure merveilleuse.
Revenons un peu en arrière…
La création de la patrouille
Il y a plus d’un an, je rencontre Sylvain lors de l’assaut du Haut-Fleury, par le plus grand des hasards, sur un parking. Rapidement, on s’entend plutôt bien et on a à peu près le même niveau à la montée. Coté descente, vous savez, pas besoin de faire un dessin. Au fur et à mesure de l’avancée de la saison, je lui fait part de mon rêve, celui de courir la patrouille des glaciers. Lorsque les inscriptions s’ouvrent, il me propose de faire équipe. Ami de Franck via la Runnosphère et les diverses courses / rencontres / pasta-party de ma période parisienne, je propose à Franck de compléter l’équipe à la suite de notre aventure sur l’araviski. Voilà ! L’équipe est formée sur le papier, au cas où… reste que l’on n’a jamais skié ensemble et Franck et Sylvain ne se sont jamais vu.
L’inscription
La fine équipe est prête sur le papier à en découdre avec le parcours. Reste à passer le cap de l’inscription et du tirage au sort. Plusieurs sont mes amis qui ont tentés, plusieurs fois, et qui ont été à chaque fois recalé. La fine équipe part un peu dans cet esprit, on tente, si ça passe, tant mieux cela sera un gros challenge, sinon ben tant pis, la saison sera belle quand même.
Lorsqu’il s’agit de donner une estimation du temps de parcours dans des conditions normales de course, on estime à partir de notre expérience en trail et sur les montées sèches réalisées par le passé. 800m/h => 8h à l’aise… Sylvain tilte un peu sur l’ambition affichée mais se dit que cela un gros challenge. Nous voilà donc préinscrit… en attente du tirage au sort.
A la sortie de l’autoroute alors que je me rendais à la première course de ski-alpinisme de la saison, mon téléphone vibre. Un email.
Votre patrouille a été tirée au sort pour participer à la Patrouille des Glaciers 2014. Félicitations!
Le plus dur commence…
Voilà mon seul et unique challenge de la saison. Avoir le niveau suffisant en descente pour avaler 4000 m de dénivelé négatif en randonnée sans finir ravager des cuisses. Bref, apprendre à descendre, vite, bien, tout en décontraction. Et très honnêtement, c’est loin d’être facile… surtout sur autant de dénivelé.

L’avant course
Depuis mercredi soir, nous étions à Zermatt et avons passé 2 jours nuits ensemble (vu que la course a été reportée de 24h), vraiment sympa, dans une super ambiance. J’ai failli louper le train pour Zermatt au départ de Martigny. Le contrôleur me fait une fleur alors que je n’avais pas de billet. Il n’applique ni pénalité, ni amende alors que je lui dit que je n’ai besoin que d’un aller simple, le retour se fera à ski ! Je retrouve Sylvain et Franck au restaurant pour une bonne platée de pâtes. Une bonne nuit de sommeil et le réveil sonne à 8h… direction le contrôle « matériel ». L’armée vérifie l’ensemble du matériel obligatoire et appose des petits autocollants / marquage sur les éléments essentiels que l’on ne pourra plus changer jusqu’à l’arrivée à Verbier. Les skis, les bâtons, les chaussures, la corde, la pelle, la sonde sont ainsi estampillés. Ayant oublié ma carte d’identité à l’hôtel, j’ai gagné un petit aller-retour gratuit au pas de course. Ensuite, petit déjeuné, travail sur la corde pour y apposer un élastique, petite sieste, piscine, re-petite sieste, briefing course dans l’église de Zermatt, repas, re-sieste et il est l’heure de se préparer pour prendre le départ.

Lors du briefing, le commandant de la patrouille nous ordonnera sur un ton très militaire de prendre soin de notre santé et le curé de Zermatt nous donnera sa bénédiction avant de prendre le départ. La pression est montée d’un cran. Lorsque l’on sort de l’hôtel, il fait nuit. La neige, qui tombait depuis plusieurs dizaine d’heures ne tombe plus. Le plafond nuageux est toujours présent.
Le départ de la patrouille des glaciers 2014
Peu avant le départ, en tant que chef de la patrouille 528 « la fine équipe », je reçois des mains d’un militaire le téléphone qui permet (qui aurait du permettre) de suivre en direct live la course via l’application mobile dédiée. On file s’échauffer un peu sans les sacs à dos et on retourne se placer sur la ligne de départ. 5-4-3-2-1 c’est parti.

Zermatt – Stafel – 578D+ – 7,3km – 1h06’
Y a personne dans les rues de Zermatt, normal à 1h du matin en pleine semaine hors période scolaire, hormis 2-3 gens qui sont sorti du bar ouvert le long du parcours, quelques militaires et c’est tout. 11-12 km/h de moyenne dans le village, skis et chaussures sur le dos voilà le rythme que l’on va se poser d’entrée…avant de vite se calmer et de se mettre à marcher. Les 6 premiers kilomètres direction Staffel se font en 1h06. Franck impose un gros rythme, Sylvain tente de le tempérer et je suis un peu décrocher, enfin de peu, quelques mètres derrière. Rien de bien grave. Juste avant Stafel, la fille qui me suivait à la trace s’arrête et profite des lumières du village pour tenter une réparation de fortune de sa lampe frontale qui avait manifestement décidé de ne plus marcher.
Stafel – Schönbiel – 322D+ – 4,34km – 48’
(Cumul : 900D+/13,88km/2h)
A stafel, il faut retirer les runnings et surtout, s’en débarrasser. Elles partiront pour une bonne oeuvre caritative. Adieu mes Columbia Ravenous 2. Le plus dur n’est pas de quitter ses chaussures de trail-running mais de chausser ses chaussures de ski sans chuter et poser un pied ou une fesse dans la neige. En cas d’erreur, repartir avec les pieds humides en direction de Tête Blanche à 3 650 m d’altitude, je vous laisse imaginer les dégâts qui pourraient se passer. Cette partie de course est plus plate et roulante, enfin plutôt glissante… Avant de partir, nous avons farter les peaux de phoque et on glisse parfaitement. Peu d’efforts permettent d’avancer rapidement et de reprendre quelques concurrents, même si Sylvain, en voulant ne pas aller trop vite, nous garde bloquer derrière une équipe qui avance bien, mais moins vite que nous à ce moment là de la course. Petit à petit, les écarts se creusent avec les autres équipes. La nuit prend le dessus sur la course et je dois allumer ma frontale. J’avais jusque maintenant attendu pour le faire et utiliser la lumière des autres concurrents
Schönbiel – Tête Blanche – 1149D+ – 5,35km – 1h46’
(cumul : 2050D+/17km/3h50)
A Shönbiel, je suis dans un bien meilleur état qu’il y a 2 ans, lorsque j’avais été ravitailler Alexis, Valentin et Yannick. Jusque là, le parcours m’était connu et familier. J’entre maintenant dans l’inconnu, matérialisé par la nécessité de repartir encorder sur le glacier en direction de Tête Blanche. Ayant tester plusieurs configurations depuis quelques semaines lors de nos entraînements, l’encordement se passe à merveille. On profite du court arrêt pour sortir nos vestes goretex et on repart. Malheureusement, je n’ai pas pris le temps de sortir de quoi me ravitailler. L’eau de la gourde a gelée, me voilà donc sans eau et sans nourritures à porter de main pour cette montée. On est reparti donc cela attendra… Les militaires vérifient nos nœuds sur la corde et on attaque la fin de cette très longue montée. Un peu au même moment, on sort de la couche nuageuse et petit à petit, les étoiles commencent à parsemer le ciel. On maintient notre rythme de 600-650 m/h qui devrait nous permettre de passer tout juste la barrière horaire d’Arolla. Une équipe est arrêtée dans un virage, on demande si tout va bien, il se trouve que le concurrent du milieu de la cordée avait besoin d’une pause caca… On repassera pour l’intimité et pour l’odeur. Enfin bref, on vient de passer la barre des 3000 m d’altitude. J’annonce qu’il reste environ 700 m de D+ à faire. Niveau timing on est dans les temps. La neige fraîchement tombée à bien recouvert le glacier et combler le relief… mais elle a aussi bien durci avec le froid qui règne à ces altitudes. On zipe un peu, la traversée d’une partie bien glacée nous posera quelques soucis. Toutes les traces se valent à vue de frontale, Franck choisi la trace la plus haute, Sylvain lui embraie le pas mais je n’arrive pas à grimper sur la même trace. La corde tire vers l’avant et le saut latéral est trop important pour être fait sans arrêt de la patrouille. La patrouille 526 qui nous précédait nous double et saute sur la trace juste devant Franck, qui s’énerve un peu. Faut dire qu’il y avait du choix. Finalement, Franck redescend sur ma trace, qui était presque le meilleur choix. Exit la neige glacée, on retrouve de la neige dure mais plus compatible avec nos peaux de phoque. Un peu plus loin, une équipe de l’organisation nous annonce du vent à 40 km/h sur les hauteurs et un peu de froid. Ils nous demandent surtout si on a croisé aucune équipe arrêtée dans la montée. Un arrêt prolongé pourrait avoir de grave conséquence et ils prennent la chose très au sérieux.

Le paysage est juste magnifique. On distingue les formes des montagnes environnantes avec des étoiles plein le ciel et une légère lueur qui pointe le bout de son nez annonçant le futur levé du soleil. Arrivé en 3h 50 à Tête Blanche (3 650 m), on est pile poil dans les temps. On retire nos peaux de phoques lorsque 2 militaires sautent sur Sylvain pour récupérer le téléphone GPS/3G qui a l’air de ne plus fonctionner. Ils me sautent dessus ensuite vu que c’est moi qui porte le téléphone et tentent de le réparer. Messieurs, on n’est pas là pour faire du troubleshooting alors rendez moi ce truc et la prochaine fois, donnez nous du matériel qui tient la route. J’ai inévitablement une grosse pensée pour mes parents, mon frère, ma chérie et mes amis qui devaient suivre l’avancée du petit point sur l’application mobile. J’espère qu’ils ne se font pas trop de soucis. Pour moi, tout va pour le meilleur du monde et ces moments-là, là-haut, j’aurai vraiment aimé les partager avec eux.

Tête Blanche – Col de Bertol – 488D- / 100D+ – 4,6km – 32’
(cumul : 2150D+/480D-/21,7km/4h30)
On attaque la descente encordée. Franck ouvre le bal, suivi de Sylvain et je clos le convoi. A l’entrainement, on a essayé plusieurs combinaisons et celle-ci fut celle qui présentait le plus de garantie. Franck attaque un peu (trop?) fort dans la descente. Sylvain gère au milieu et moi, c’est comme je peux que je suis le rythme effréné. Lors d’un virage anodin, je découvre que je suis à droite d’un poteau et que Sylvain l’a contourner par la gauche. Je tente alors le virage pour le contourner mais Sylvain me tire vers la pente avec la corde alors qu’il faisait un virage pour tenter de rétablir une situation compliquée due à notre trop grande vitesse. Résultat, je viens percuté le poteau que je tape avec le casque dans ma chute et enroule la corde autour des skis. J’hurle la chute, Sylvain engueule Franck et je tente de me démêler au plus vite de ce sac de nœud. On repart sur des bases plus correctes mais je suis maintenant bien crispé sur les skis. S’en suivront d’horribles douleurs aux cuisses alors que je tente de retrouver une position plus naturelle pour skier. J’ai aussi pris de la neige à l’intérieur de mes sur-moufles, 2 doigts de la main gauche ne répondent plus très bien à mes mouvements pour les récupérer. Le froid fait son effet… Choses plutôt sympa, on double plein de patrouilles et on arrive à la fin de la descente, on peut aussi profiter de la vue sur le col de Bertol et la cabane illuminés par les militaires et les frontales des autres concurrents, très très belle vue qui resterait comme une des plus belles de cette patrouille. Remettre les peaux et partir vers le col de Bertol, voilà notre mission. J’espère que ce changement d’effort va me permettre de récupérer mes doigts par la même occasion. C’est pas gagné, la montée est plutôt courte (100 m de D+) et le rythme reste celui de la cordée, pas moyen d’aller un peu plus vite pour se réchauffer. En haut, pendant que je range la corde dans la poche à crampon de Sylvain, celui-ci se ravitaille et Franck se fait réchauffer les doigts par un médecin et un militaire. On retire aussi les peaux de phoque et on attaque la descente.
Col de Bertol – Arolla – 1291D- – 8,34km – 37’30”
(cumul : 2150D+/1771D-/30km/5h12)
Cette descente, je l’avais repéré le weekend d’avant en compagnie de Sylvain et mon frère Alexandre. On était monté à la cabane Bertol pour repérer le parcours, et faire les derniers réglages au niveau de la corde. On avait mis 1 h 05 minutes pour faire la descente et rejoindre Arolla. Comme on savait que la descente est un de mes points faibles, et que, le temps nous serait compter à ce moment là de la course, un repérage temporel nous permettait de valider nos estimations et d’évaluer nos chances de passer la barrière horaire à Arolla. Franck regarde sa montre au Col et commence à stresser. Avec Sylvain, ils attaquent la descente à fond les ballons. Je les perds rapidement de vue. De plus, la belle descente faite le samedi s’est transformé en véritable champ de bosses d’un mètre de hauteur par endroit sous l’effet des récentes chutes de neige cumulés aux passages des patrouilleurs lancés sur le parcours avant nous. Une grande partie de plaisir quoi ! Je me fait tasser dans tous les sens en voulant aller vite et je chute plusieurs fois… sans gravités. Au loin, j’entend Sylvain et Franck hurler « Aller Damien, Vas-y Damien, Plus vite Damien, Courage Damien, Passe plus bas Damien, Plus Haut Damien… » bref, j’ai la pression ! Là où l’on devait déchausser d’après le commandant de la patrouille, finalement, on peut passer à ski, ce qui nous fera gagné quelques précieuses minutes. Sur le plat en bas de la descente, qui permet de rejoindre Arolla, je glisse manifestement moins bien que Sylvain, qui me remonte les bretelles sur mon fartage des skis. Le fart liquide, c’est fini ! C’est donc en skating et en forçant de toutes mes forces que je rejoins Franck à Arolla, suivi de Sylvain. 5h 12… on passe la barrière horaire pour 18 minutes. J’ai aussi presque divisé par 2 mon temps de descente sur cette portion du parcours. Mais j’ai aussi laissé beaucoup de force dans la bataille.

Arolla – Col de Riedmatten 942D+ – 4,44km – 1h53’
(cumul : 3092D+/1771D-/34,5km/7h15)
A peine arrivé à Arolla, je prend 2 minutes pour régler le serrage du collier de ma chaussure gauche, qui flottait méchamment. Collier qui flotte, pied qui bouge dans la chaussure, skiabilité réduite… voilà l’équation. Le temps d’ouvrir une barre et remplir le fond de ma gourde qu’il faut déjà repartir. Je ne sais pas combien de temps on est resté à ce ravitaillement, mais c’était manifestement pas assez pour moi. On repart sur les pistes de ski d’Arolla, Sylvain et Franck prennent quelques mètres d’avance. Normalement, c’est mon terrain de jeu ce genre de montée : très raide, assez courte, droit dans le pentu… mais là, c’est un peu glacé et je manque manifestement de force. Plus d’une fois, un de mes skis zippe, c’est à dire que la peau de phoque ne fait pas son job et le ski part dans la pente. Il faut donc le retenir musculairement. C’est usant mais on a l’habitude. Par contre, j’ai testé une nouvelle situation, quand les 2 skis partent dans la pente, en même temps ! Un joli plat ventre, une belle glissade sur une dizaine de mètre et une grosse galère pour se remettre sur ces pattes. Cela va m’arriver 2 fois, Sylvain et Franck prennent le large. Je perd confiance dans ma tenue sur la neige et tente de trouver des chemins tout aussi improbables les uns que les autres. Les coureurs du petit parcours parti à 6h30 commencent à me doubler, ils vont plus vite c’est normal, et j’essaie de m’accrocher à eux, dans l’espoir de revenir sur mes co-équipiers qui semblent m’attendre en discutant à une bonne centaine de mètres devant moi. Je suis au bout, je me fais déposer par l’ensemble des concurrents autour de moi, ma montre indique moins de 500m/h alors que d’habitude je suis proche du double sur ce genre de pentes. J’essaie de manger, une barre salée, vomie sur le champ, une barre sucrée, même issue de sortie… Le corps ne veut plus rien assimiler. Un concurrent du petit parcours me voit et commence à m’aider en me poussant le sac à dos sur quelques mètres, je le remercie. On discute rapidement et il me propose du coca-cola… au point où j’en suis… Ca passe limite, mais ça passe… Je continue mon chemin de croix avec en ligne de mire, Sylvain et Franck, qui visiblement m’attendent en s’arrêtant régulièrement et en discutant. Dans ma tête, tout y passe, et rapidement, je me souviens les mots du commandant de la patrouille concernant un abandon. Il ne peut se faire qu’à un poste de contrôle. La situation devient claire, je vais jusqu’à Riedmatten en essayant d’y être avant la barrière horaire et je laisse mes amis patrouilleurs finir la course tout les 2. (ce que le règlement autorise). Physiquement, je cale totalement, mentalement, je suis en train de creuser le 8e sous-sol… le 9e… Puis me vient une idée, j’ai sur moi une barre du type « pâte d’amande » de powerbar. Alors j’essaie de la manger par micro-bout, micro-bout que je coince entre mes dents et la joue et que je vais laisser fondre avec la salive et ensuite avaler le mélange liquide. Bref, me mettre sous perf’ au goutte à goutte, à défaut de pouvoir faire mieux. Un petit bout, un second, un troisième, j’arrive à m’alimenter… enfin si on peut parler d’alimentation. Je rejoins Sylvain et Franck avant le portage du col de Riedmatten. Il y a une queue monstre pour accéder au col et il nous reste 35 minutes pour le passer. J’ai à peine le temps de dire « ouf » que mes 2 co-équipiers se sont occupés de moi, Sylvain a retiré mes peaux et mis les skis sur mon dos et Franck m’a rassuré / remotivé / aidé à m’alimenter. Franck ne va pas arrêter de me parler et de m’aider à m’alimenter dans le portage du col. Grâce à nos dossards munis d’un point gris fait à la bombe de peinture au départ, nous pouvons emprunter la fast-line. Il y a 4+1 traces pour passer le col. Nous avons le droit de prendre la plus rapide d’entres-elle. ça ne va pas bien vite, mais cela me permet de me refaire la frite et continuer mon alimentation sous perfusion, pendant que Franck discute et aide une fille qui éprouve quelques difficultés à passer les passages un peu glissant. Ces filles nous apprendrons que la barrière horaire n’est pas au sommet du col, mais au poste de contrôle où j’ai rejoins Sylvain et Franck au pied du col. Même au fond de mon 8e sous-sol, je gagne presque 30 minutes sur les barrières horaires ! Nous passons le col à 7h 15… soit près de 25 minutes de portage pour 180 D+… pas très efficace sur le plan sportif mais au combien utile pour mon niveau physique et mental !
Col de Riedmatten – Lac des Dix – La Barma – 119D+/581D- – 7,7km – 1h26
(cumul : 3211D+/2352D-/42,2km/8h45)
Une fois arrivé au col… on redescend à pied ! Qui a dit que l’on faisait du ski à la patrouille des glaciers ? Il faut descendre du col par le biais de cordes fixes installées pour l’occasion. Etant donné le grand nombre de passage nous précédant, chaque corde est accompagné de son canyon jusque en bas du col. Sylvain, tel un chamois, galope devant, de mon côté, j’ai le droit à une ou deux petites glissades… sans conséquence mais ce qui me stresse le plus, c’est le concurrent au dessus de moi qui fait tomber dans le canyon d’importants et massifs blocs de neige compacte arrachés aux bords du canyon avec ses gros souliers. Physiquement et mentalement, je commence à revenir petit à petit dans la course, le plus dur semble derrière moi. En bas, Franck semble lui avoir pris ma place et Sylvain l’aide à rechausser les skis. La descente qui suit est plutôt facile même si un petit champ de bosse me fera perdre une bonne minute sur mes co-équipiers, rien de bien méchant. On attaque ensuite le lac des Dix… En gros, on longe un lac formé par le barrage de la Grande-Dixence et long de 4 à 5 kms pour une centaine de mètre de dénivelé positif. On avait le choix entre remettre les peaux de phoque ou attaquer en skating. La neige fraîchement tombée a rendu le parcours en skating compliqué et sans doute très éprouvant. On avait donc préparer une paire de peaux spéciales pour l’occasion : les miennes étaient une vieille paire de peaux Colltex Patrouille des Glaciers, recouverte de liquide empêchant l’eau de pénétrer dans la peau et de fart pour améliorer la glisse. J’ai aussi réduit le plus possible la longueur et la largeur de la peau pour augmenter la glissabilité de l’ensemble. Résultat : Je vole sur cette partie…. Enfin, je ne produit pas beaucoup d’effort pour avancer vite et continuer ma récupération. Franck m’encourage à le rattraper, et à le suivre… ce que je ferai très rapidement. Résultat : On abusera du mot « trace » pour que les concurrents devant nous nous laissent passer, étant bien plus rapide. Au pied de la Barma, Sylvain nous attend et sur ces conseils, on retire la GoreTex vu la chaleur environnante et je change rapidement mes peaux pour attaquer les 50 D+ qui nous manquent pour atteindre le ravitaillement de la Barma… 1 h 08 pour le lac des Dix, c’est rapide mais y a clairement moyen d’aller bien plus vite.
Les premières pensées qui me traversent l’esprit sont : « L’UTMB à coté c’est du pipi de chat ! ».
La Barma – Rosablanche 745D+ – 2,92km – 1h55
(cumul : 3956D+/2352D-/45,11km/10h44)
Au ravitaillement de la Barma, le second et le dernier du parcours, je demande à Sylvain de prendre un peu plus de temps qu’à Arolla. On est maintenant très large avec les barrières horaires, avec un peu plus d’une heure d’avance. Je rempli mes 2 gourdes, bois, bois et re-bois et surtout je donne à manger à mon corps qui en a bien besoin. Mes problèmes d’alimentation semblent être derrière moi. Franck est déjà reparti, il nous attend à la sortie du ravitaillement. On attaque la montée direction Rosablanche, second point le plus haut du parcours : 3 xxx m. Rapidement, on peut voir au loin le long portage qui nous attend. Y a beaucoup de monde sur cette portion. Y a aussi plein de traces disponibles. Le soleil tape fort alors que l’on est que dans la matinée et ma combinaison noire n’est pas un très bon choix dans ces moments-là ! Le jeu du jour sera donc de choisir la bonne trace pour doubler sans effort les concurrents moins rapides. On gagne, on perd, c’est marrant mais dans cette course d’escargot, on se traîne vraiment (<500 m/h)… Lors d’une conversion, la fille devant moi chute et fini à plat ventre. Son ski vient taper le mien à hauteur de la fixation avant, je déchausse et voit mon ski partir dans la pente… il s’arrête rapidement et un concurrent me le remontera, merci à lui. Reste que pour repartir, il me faut pouvoir poser mon ski à plat entre 2 concurrents et faire ma manipulation. Les concurrents passent, les minutes s’effilent. Lorsque j’arrive à repartir, je ne vois plus Sylvain et entre-aperçoit Franck au loin. J’essaie de ne pas le perdre de vue dans la foule présente. J’essaie aussi de demander la trace lorsque je le peux, mais la plupart du temps, les concurrents sont sourds, et aussi muets… Enfin bref, j’essaie d’avancer. Contrairement à la montée de Riedmatten, où j’allais tout aussi vite, je suis bien mieux dans ma tête. Je visualise le reste du parcours et je sais que sauf sortie de route de ma part, je serai finisher avec mes amis… enfin presque. Autour de moi, les discussions vont bon train concernant la barrière horaire annoncée par le commandement à 10 h 45 au pied du portage. Il n’y a que 30 minutes entre la barrière horaire de sortie du ravitaillement de la Barma et celle du pied du portage, et pourtant, faut plus d’une grosse heure à chaque concurrent pour joindre ces 2 bouts. J’essaie d’aller le plus vite possible, entre 2 arrêts pour reprendre mon souffle (j’ai eu des petits soucis respiratoires que je ne me connaissais pas…) pour arriver avant cette barrière.

Aitor, un ancien collègue de travail, que je double me dit qu’il reste que 15 minutes et le poste parait si loin.. et si proche à la fois. J’arrive finalement tout penaud avec 10 minutes de retard. Sylvain m’appelle, je coupe à l’entrée pour doubler plein de concurrents. Le militaire présent me dit que la barrière horaire est levée, elle n’était là que par rapport aux conditions du couloir à grimper et la neige fraîchement tombée aidant, on peut y aller. Ouf ! Me voilà rassuré. J’aurais très mal vécu une mise hors course à ce moment là de la course, si loin du départ, après plus de 8 h de course. Mes co-patrouilleurs sont aux petits soins. Sylvain installe les skis sur mon dos, Franck me donne un peu à boire et on part pour l’ascension de Rosablanche. On prend la file de gauche qui a l’air d’avancer plus vite, bon choix. Reste que je me traîne… et me fait distancer par Sylvain et Franck. Un pied devant l’autre sur les 1 002 marches que comporte ce portage, c’est au son du public et des cloches que je me raccroche. J’avais en tête une photo de l’organisation, montrant une file tituber au sommet de Rosablanche. Je me dis que je ne suis pas très loin de cet état là. J’arrive tant bien que mal à rejoindre Franck et Sylvain, prêts à la descente. Nous partons pour la dernière difficulté du parcours : le col de la chaux.
Rosablanche – Col de La Chaux – 186D+ – 443D- 4,59km – 55’
(cumul : 4142D+/2795D-/49,70km/11h40)
La descente sur le pied du col de la chaux ne présente pas de grande difficulté. Quelques bosses non mémorables, mais rien à voir avec le col de Bertol. On sent la fin de la course arrivée. Y a du monde un peu partout. La descente se fait plutôt bien. J’évite les virages pour éviter de fatiguer et les chutes et j’essaie de prendre un maximum de vitesse pour passer le faux plat montant que l’on voit au loin. Faut patiner. C’est dur. Pousser sur les bâtons, lancer les pieds, ça demande des forces que mon corps n’est presque plus prêt à donner. 800 m de plat… 14 minutes ! Qui a dit que j’étais rapide en skating ? j’ai quand même bien cru que l’on arrivait au col de la chaux au bout de ce skating… mais non ! On continue donc notre parcours. Au bout du chemin, plein de gens, posés, certains mangent des fondues, d’autres boient un petit blanc valaisan. Voilà l’ambiance de la patrouille que je cherchais depuis le départ de la course. En tout cas, tous ont quelques mots d’encouragement ou d’admiration pour nous. Lorsque l’on retire les peaux, un militaire me donne un bonbon, que je refuse puis accepte finalement. Il aura le don de me rebooster. Visiblement constitué de sucre et de caféine, je sors de la léthargie et devient une vraie pile électrique. Dans la descente qui suit, C’est champs de bosses à gauche, poudreuse lourde à droite. Après 3 virages à me faire chier dans les bosses, je sors de là et file faire un tout-droit dans la poudreuse. Les cuisses brûlent, ma position ne doit pas être des plus académiques mais j’avance plus vite.
« Aller Damien, Vas-y Damien, Plus vite Damien, Courage Damien, Passe plus bas Damien, Plus Haut Damien… »
Au pied du dernier portage, Sylvain m’attend, et m’aide encore à mettre mes skis sur le sac. On repart ensemble. Je le suis à la trace. Ça fait super plaisir, reste que si cela avait été possible bien plus tôt sur le parcours….. enfin on va pas refaire la course maintenant, reste la dernière descente à faire.
Col de la Chaux – Verbier 1460D- – 10km – 39’
(cumul : 4295D+/4425D-/59.7km/12h19’13”)

What’s next ?
Après avoir bouclé dans une même année une étape du tour, l’UTMB et la patrouille des Glaciers, il est tant pour moi de lever le pied, pour revenir en 2015 avec d’autres intentions. Je ne compte pas tout laisser tomber mais vous en saurez plus prochainement sur mon planning 2014, qui est déjà bien entamé.
A suivre…
crédits photos : le nouvelliste / le matin / l’organisation
Une trace de mon commentaire FB ici aussi, parce que je crois plus aux blogs 😉
Chouette récit.
J’espère que toi et tes patrouilleurs ne le prendront pas mal, mais je n’arrive pas à comprendre pourquoi c’est usi dur. Enfin plus dur que l’utmb ou le truc que t’avais fait en Autriche l’année dernière.
A cause du ski en descente qui me te permet pas de récupérer car ta technique est trop juste ?
Ou à cause des montées avec le poids du matos, l’altitude ? (jamais fait de ‘skimo’ juste des portages pépères d’une heure pour du hors piste)
Si je peux me permettre, mais Damien te répondras mieux que moi vu qu’il à fait les 2 : la course ‘la plus dure’ (pour peu que ceci est un sens) est surtout celle dans laquelle tu te défonces le plus.
A titre perso, la course la plus difficile que j’ai faite jusque présent c’est… la SainteLyon.
J’ai pourtant déjà participer et fini plusieurs trail de plus de 100 bornes (UTMB, Montagn’hard, TDS, …).
Alors pourquoi la Sainte : parce que je ne suis pas capable physiquement de faire l’UTMB ou un truc équivalent ‘à bloc’, donc c’est des courses sur lesquelles forcement, je dois me brider pour finir.
La STL c’est ma limite de temps (env. 8h) sur laquelle je peux partir à fond et tenter de tenir le rythme jusqu’au bout.
Forcement c’est 2 approches différentes… et donc 2 ressenti de course différent.
c’est un peu ce que je pensais 😉
Et peut-être qu’il a aussi un peu trop vite « oublié » ses précédentes courses et leur difficultés. Le cerveau (enfin le mien) a un très bonne capacité à oublier les moments difficiles pour ne conserver que les bons souvenirs…
Wouaw! Quelle aventure.. C’est vrai qu’apres avoir lu ce CR, comme tu dis, l’UTMB semble tout petit.
Je me suis bien marré au debut de ton recit : Voila du vrai Doune… « J’ai failli louper le train.. »… « Ayant oublié ma carte d’identité à l’hôtel.. ». Sans ça, ça ne serait pas toi! J’ai du lire ce genre de mésaventures dans presque tout tes recits.Une vraie marque de fabrique! Quelle force mentale tu as! au plus bas tu retrouves des forces, on te fait le coup de la barrière horaire dépassée, de quoi baisser les bras, mais non…Un BONBON est c’est reparti!
Bravo à tous les trois, un bel esprit d’equipe!
Et je suis sur que tu nous réserves encore de belles choses pour les mois a venir.
Ok, ça valait la peine t’attendre…,je vais le relire une deuxième fois d’ailleurs pour ne rien louper !
Excellent soucis du détail. Mais quelle aventure!!! Bravo au nouveau patrouilleur.
Joli récit et magnifique course.
Bravo à vous 3, j’ai pris du plaisir à vous suivre en live !
Du Doune tout craché : oubli des papiers, train quasi râté, du grand arts 🙂
Bon, place aux objo 2015 alors 😉
Je découvre ta discipline, on en prend plein les yeux en plus de la performance sportive. C’est pas mon truc, mais j’admire totalement ! Bravo pour ta course !
Tain… j’avais même pas vu ton récit… je me demandais s’il allait sortir… et pis en fait c’est moi qui suis à la ramasse…
Bref j’adore les titres des chapitres 😀
Ca m’a fait SUPER plaisir de faire la patrouille avec toi… ça m’a fait SUPER chaud au coeur de FINIR la patrouille avec toi… et beaucoup de bien de relire à distance un récit d’un co-patrouilleur…
Merci Dam’ pour cette aventure !
J’adore aussi tes titres de chapitre 🙂
Ca m’a aussi fait enormement plaisir de partager cette experience au sens large avec toi et Sylvain. J’espère qu’il y en aura d’autres l’an prochain, en Suisse sur d’autres parcours du genre, y a du beau paysage à voir et des parcours bien corsés.